Nouveau départ

            Vivre en frères (sens du mot « Adelphe ») : la plus belle réalisation, et la plus compliquée !  Nous sommes tous d’accord – oui, mais c’est toujours à recommencer ! Les textes de ce jour : comment « réparer » la fraternité déchirée.

            Dès le premier testament, dès les tout premiers frères : Caïn et Abel ! Dieu dit à Caïn : « qu’as-tu fait de ton frère ? » – traverse toute la Bible…les récits AT, les paraboles : que de frères qui se chamaillent ! qui parfois aussi se réconcilient… que d‘exhortations à construire l’entente et l’unité (les 3 textes de ce jour…) jusqu’au pape François : une encyclique « tous frères ». On n’a pas fini de traiter la question…il suffit de regarder nos familles, nos communautés chrétiennes…ce n’est jamais tout à fait gagné !

            C’était mieux autrefois, notamment au début du christianisme ? pas si sûr, sinon il n’y a aurait pas besoin d’appeler sans cesse à la fraternité, à l’amour, au respect… En lisant de près les textes du Nouveau Testament, on voit bien que les conflits ne manquaient pas : il fallait tout organiser, donner aux différents courants leur place, et régler des cas difficiles. Même St Paul et St Pierre se sont chamaillés en public !

            L’Évangile parle du « péché ». Ici, ce n ‘est pas une faute ordinaire, mais une faute qui blesse une personne ou toute la communauté. Pour remettre en place le fautif, il est prévu une gradation, jusqu’à, au bout, le laisser seul face à lui-même, et à la miséricorde de Dieu.

            Il est question de « lier et délier » : je comprends : lier des liens, d’amitié ou de confiance, faire travailler ensemble, mettre de la fraternité, et cela se répercute jusqu’au ciel ! Et « délier » : défaire des nœuds, « mettre de l’huile dans les rouages », apaiser les cœurs. Cela aussi se répercute jusqu’au ciel !

            Tout cela est bien d’actualité ! On a l’impression que dans notre Église en difficulté (à tous les niveaux), on se cherche des reproches plutôt que de construire ensemble, en frères. On accepte mal que l’autre soit différent – or c’est inévitable, et c’est une richesse. La correction fraternelle vise à se comprendre dans les malentendus, à trouver des points communs, des projets qui rassemblent. Cela passe aussi par la prière !

            Entre prêtres et laïcs : la correction fraternelle doit fonctionner, et dans les 2 sens, que prêtre et laïcs s’expliquent avec respect et désir d’entente sur des désaccords. Il ne s’agit pas d’être toujours du même avis sur les idées, les projets et les manières de faire, mais d’être d’accord pour continuer la route ensemble. Sans acrimonie et sans angélisme : avec réalisme, selon les conseils de l’Évangile du jour. En parlant à la personne concernée, et non en médisant en son absence… !!!

            C’est aussi la richesse de l’œcuménisme. J’ai connu une paroisse où les catéchistes protestants et catholiques travaillaient régulièrement ensemble. Les protestants avaient des outils magnifiques pour explorer la Bible et créer des dessins, les catholiques apportaient leur variété de chants religieux pour enfants. C’est s’enrichir de nos différences, au lieu de les combattre. Vivre en frères, ce n’est pas être tous pareils, mais être tous sur un même chemin, avec nos différences. Or les gens acceptent de moins en moins les opinions différentes, et les réseaux sociaux viennent cultiver la haine.

            J’en viens à l’actualité de notre communauté de paroisses : nous accueillons un nouveau prêtre, Jonathan Nock. Il nous apportera la différence de son expérience, de ses convictions. Il ne suffit pas de lui faire bon accueil – le premier jour est toujours beau – mais il s’agit de lui faire confiance dans la durée, de le laisser nous apporter des corrections, et d’oser aussi lui dire nos questions, nos points de vue différents. C’est essentiel ! c’est l’Église synodale (pape François). Et j’ose dire crûment avec Martin Luther King : « …choisir entre vivre tous ensemble en frères, ou mourir tous comme des idiots ».

            Il reste à mettre un fondement : « quand 2 ou3 sont réunis en mon nom, je suis là au milieu d’eux », dit Jésus. C’est vraiment le fondement de notre agir chrétien. Nous sommes appelés à vivre une fraternité toujours en progrès, parce que Jésus y révèle sa présence dans la communauté et dans le visage de chacun de nos frères. Si nous en sommes convaincus, le Royaume de Dieu s’est approché de nous.

Louis Pfeffer